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Autocars contre cars Macron à Paris : une annonce unilatérale et précipitée

Transport - Route
22/09/2023
La ville de Paris a annoncé la fermeture de la gare routière de Bercy-Seine aux cars Macron après les Jeux olympiques de 2024. L’idée : faire du site un parking pour les cars de tourisme. La Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) plébiscite cette gare parisienne, véritable hub pour les voyageurs en transit. Ingrid Mareschal, sa déléguée générale, décrypte les enjeux du dossier et milite pour un dialogue avec la municipalité.
Bulletin des transports : On a l’impression que l’annonce de la fermeture de la gare routière de Bercy-Seine vous a pris de cours…
Ingrid Mareschal : Une décision de ce genre, qui peut conduire au pire des scénarios, c’est-à-dire à la remise en cause des « cars Macron » en service depuis 2015, fait en général l’objet d’une concertation avec les principaux acteurs, assortie de solutions alternatives. L’annonce dans la presse du premier adjoint à la mairie de Paris est unilatérale et précipitée. Emmanuel Grégoire mentionne aussi le non-renouvellement de la Délégation de service public (DSP) confiée à la SAEMES (1) pour un usage par les autocars de services librement organisés. La FNTV a rédigé un courrier pour lui demander un rendez-vous ; nous n’avons pas obtenu de réponse à ce jour.

BTL : Vous alertez pourtant régulièrement la mairie sur l’état de cette gare routière.
I. M. : Depuis des années, la FNTV se plaint de son inadaptation aux flux des cars à accueillir. Bercy-Seine a été une solution provisoire pour combler la fermeture de la gare de Pershing, située porte Maillot. Sans compter qu’elle n’est pas assez propre et sécurisée : Flixbus et BlaBlaCar sont obligés de pallier le manque d’entretien et de recruter des agents de sécurité privée (2).

BTL : Massification du trafic d’autocars, incivilités, mauvaise gestion des opérateurs, ce sont les arguments avancés par la mairie de Paris. Qu’en pensez-vous ?
I. M. :  Nous demandons que les usagers puissent s’asseoir correctement, avoir des toilettes décentes et des distributeurs de boissons. La majorité des capitales en Europe disposent de gares routières dignes de ce nom !

BTL : Dans ce contexte, où vont pouvoir stationner les autocars ?
I. M. : La proposition évoquée par la ville de Paris est de faire plusieurs petites gares, plutôt en grande couronne et éloignées de Paris. Cette solution ne peut pas être une réponse, la gare de Bercy-Seine draine près de 30 % du trafic et c’est un véritable hub d’autocars. Il n’y a pas de réel travail de recherche ni de volonté pour proposer des solutions décentes d’accueil des voyageurs.

BTL : Comment sortir d'une telle impasse ?
I. M. : Nous souhaitons instaurer un dialogue avec la ville de Paris. Lors des Assises du tourisme durable en 2021, une idée a fait son chemin à la mairie de Paris : rendre à la gare de Bercy-Seine son affectation d’origine, à savoir l’accueil de cars de tourisme. Cette solution ne satisfait pas la FNTV parce que les sites touristiques parisiens sont situés dans l’Ouest parisien ou le centre-ville. Un autocar qui dépose un groupe de touristes au pied de la tour Eiffel ou à Montmartre n’aura pas le temps de rejoindre la gare de Bercy-Seine pour stationner avant de repartir chercher son groupe. Cela serait un facteur inutile de congestion urbaine. Reste que l’autocar est un mode de transport vertueux parce que c’est un mode de transport collectif.

BTL : D’autres acteurs pourraient-ils intervenir pour débloquer la situation ?
I. M. : Lorsqu’Emmanuel Macron était ministre de l’Économie, nous lui avions signalé le déficit du nombre de gares routières en France, en insistant sur les difficultés de stationnement pour les cars de tourisme à Paris. L’Autorité de régulation des transports (ART) a tenté de s’emparer du sujet ; mais c’est compliqué car les « cars Macron » ne relèvent pas directement de l’État. Seules les collectivités ont la compétence sur les gares routières, lesquelles doivent être implantées à proximité d’autres modes de transport pour favoriser l’intermodalité. Enfin, les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont fait des propositions pour aménager des gares routières à la sortie des autoroutes mais cela ne répond pas aux besoins sur longue distance car les usagers ont besoin d’être connectés aux agglomérations via un réseau de transport urbain. Au reste, nous pourrions demander l’intervention d’île de France Mobilités au titre de la politique des mobilités en Île-de-France.

BTL : La gare risque-t-elle de redevenir une aire de parking pour les cars de tourisme ?
I. M. : C’est l’argument de la ville mais ce n’est pas réaliste, les cars de tourisme n’iront pas se garer là-bas. Et le manque à gagner serait important car les deux opérateurs de la gare reversent près de 4 M€ chaque année à la ville pour le droit de toucher les quais.
En réalité, le calendrier est très flou. L’adjoint au maire parle de la fermeture de la gare après les Jeux olympiques de 2024 ; il a également évoqué la fermeture à la fin de la DSP de la SAEMES en 2026. Il n’y a pas d’alternative crédible pour construire une nouvelle gare d’ici la fin des JO.

(1) Société anonyme d’économie mixte d’exploitation du stationnement de la ville de Paris.
(2) FlixBus et BlaBlacar assurent payer 100 000 € par an pour l’entretien et la sécurité de la gare.

Propos recueillis par Louis Guarino
Source : Actualités du droit